Introduction
Alors que de nombreuses femmes dans le monde sont des productrices de denrées alimentaires, presque toutes les femmes nourrissent le monde « en tant que découvreuses ou fabricantes de nourritures et de femmes nourricières – qu’elles nourrissent le monde des hommes, des familles et des communautés. »[27] Les femmes jouent un rôle essentiel dans l’élevage du bétail, la protection des forêts, des rivières, des lacs et des mers, ainsi que dans la pêche – du tissage des filets et de la capture du poisson au commerce et à la transformation du poisson.[28] Les femmes apportent une contribution inestimable à la protection et à la régénération de la nature dans les systèmes alimentaires en produisant, préservant et augmentant les connaissances populaires sur la domestication des plantes et des animaux, la nutrition, l’amélioration génétique et la conservation des écosystèmes.
Pourtant, les femmes continuent d’être touchées de manière distincte et disproportionnée par la faim. La prévalence de l’insécurité alimentaire aux niveaux « modéré ou grave » et « grave » est plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans le monde.[29] Les femmes sont largement occultées dans les systèmes alimentaires, et leur travail reste largement sous-estimé. Leurs expériences sont sous-représentées et effacées des politiques alimentaires, de la recherche et des données. Dans de nombreux cas, l’autonomie alimentaire et corporelle des femmes est limitée par des lois discriminatoires ou des structures sociales patriarcales. Les rôles de genre socialement construits font que la plupart des femmes portent la responsabilité disproportionnée du travail de soin non rémunéré ou de « l’économie du soin ». Dans de nombreux cas, les femmes sont les seules responsables de l’entretien du foyer, de l’éducation des enfants, de la préparation des repas et des soins aux malades et aux personnes âgées.
Les expériences des femmes dans les systèmes alimentaires ne sont pas seulement façonnées par leur sexe, mais aussi par leur âge, leur race, leur handicap, leur caste, leur classe et leur orientation sexuelle, autant de facteurs qui, individuellement et cumulativement, peuvent constituer un obstacle à la réalisation de leur droit à l’alimentation et à la nutrition (RtFN). Néanmoins, les femmes continuent de résister, de s’organiser, de se mobiliser et de s’engager activement dans la transformation des systèmes alimentaires.
Chiffres clés sur les femmes dans les systèmes alimentaires
Obligations des États
Les droits des femmes sont une composante indissociable d’une compréhension holistique du RtFN et leur réalisation est indispensable pour des systèmes alimentaires sains et durables. Les États ont l’obligation de veiller à ce que les politiques publiques ne violent pas les droits humains et œuvrent en faveur de la non-discrimination, notamment de genre. Les États ont également l’obligation de prendre des mesures ciblées et concrètes pour identifier et supprimer tout obstacle à la jouissance égale du droit à l’alimentation. Pour éradiquer la faim et la malnutrition, il est essentiel de reconnaître le travail des femmes, de comprendre et de traiter les liens entre les droits des femmes, des filles et des enfants, y compris leurs droits sexuels et reproductifs (DRS), et le droit humain à une alimentation et une nutrition adéquates.[30] Les États devraient également élaborer des stratégies multisectorielles visant à instaurer une égalité réelle pour les femmes en compensant les différences, les disparités et les désavantages dont souffrent les femmes dans la réalisation de leur droit à l’alimentation. Les États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) doivent poursuivre, par tous les moyens appropriés et sans délai, une politique visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes, y compris la violence sexiste à leur égard. Il s’agit d’une obligation de nature immédiate ; les retards ne peuvent être justifiés par aucun motif, qu’il soit économique, culturel ou religieux. Les États parties à la CEDEF doivent également éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de l’emploi.[32] Les instruments internationaux relatifs aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et les politiques connexes exigent des États qu’ils garantissent la protection et la réalisation des droits des femmes dans tous les domaines – de la propriété à l’absence de violence, en passant par l’égalité d’accès à l’éducation et la représentation égale à tous les niveaux de gouvernement.
Instruments principaux
Internationaux
- Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), Articles 2, 7, 16, 23 et 25.
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), 1966, Articles 2, 3, 7, 11.1 et 11.2.
- Observation générale n°3 (1990) sur la nature des obligations des États parties du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC)
- Observation générale n° 12 (1999) sur le droit à une alimentation adéquate du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
- Observation générale n° 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
- Observation générale n° 14 (2000) sur le droit de jouir du meilleur état de santé possible
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966, Articles 2 et 3.
- Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), 1979, Articles 2, 10, 11, 12, 14.
- Recommandations générales de la CEDEF, surtout les suivantes :
- Recommandation générale n° 34 sur les droits des femmes rurales
La recommandation générale n° 34 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ( CEDEF ) sur les droits des femmes rurales fournit un ensemble de recommandations complètes et fondées sur les droits pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, en ce qui concerne notamment leur droit à l’alimentation et à la nutrition, explicitement reconnu dans le contexte de la souveraineté alimentaire.En reconnaissant explicitement le droit à l’alimentation et à la nutrition dans le contexte de la souveraineté alimentaire, il cherche implicitement à aborder les configurations sociales et politiques autour du pouvoir sur l’alimentation qui affectent particulièrement les femmes.[33]
-
- Recommandation générale n°16 concernant les femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales
- Recommandation générale n°13 concernant l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale
- Recommandation générale n°35 concernant la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre
- Recommandation générale n°26 concernant les travailleuses migrantes
- Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) (Articles 2.2, 13, 15 et, surtout, article 4 sur les paysannes et les autres femmes travaillant dans les zones rurales).
- Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), 2007.
- Directives volontaires de la FAO à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, 2004.
- Directives volontaires du CSA pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, 2012, 14.4, 5.4.
- Cadre d’action du CSA pour la sécurité alimentaire et la nutrition lors des crises prolongées (CSA-CDA), 2015, Principes 1(xi), 5 et 9.
- Directives volontaires de la FAO visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté (Directives sur la pêche artisanale), 2015, paragr. 7.2, 8.1-8.4, et 11.7.
- Recommandation n°67 de l’OIT sur la garantie des moyens d’existence, 1944.
- Convention n° 111 de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 et Convention n° 100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, 1951.
- Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul)
- Déclaration et Programme d’action de Beijing, Déclaration politique et textes issus de Beijing+5: la communauté internationale y a solennellement affirmé son engagement en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, en septembre 1995.
- Convention relative aux droits de l’enfant, Article 2, 1; Article 24, paragr. 2 (e)
- Convention relative aux droits des personnes handicapées, Articles 5, 6, 7 (reconnaissant que les femmes handicapées sont confrontées à de multiples formes de discrimination fondées sur leur identité).
- Régionaux
- Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, Articles 16 et 22.
- Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, Article 15.
- Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’Homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador), 1995.
- Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimiation de la violence contre la femme (Convention de Belém do Pará), 1994.
- Lignes directrices de l’Union européenne sur les violences contre les femmes et la lutte contre toutes les formes de discrimination à leur encontre.