Droits environnementaux

Droits environnementaux

Introduction

Le système de production agricole et alimentaire actuel, industriel, à forte intensité d’intrants et fondé sur la monoculture, aggrave le changement climatique et nuit aux communautés et à l’environnement. Les mouvements sociaux dénoncent depuis longtemps ce modèle de production alimentaire destructeur.

Les droits environnementaux sont directement liés au droit humain à une alimentation et à une nutrition adéquates (RtFN), étant donné les liens entre la nourriture, la terre, les territoires et un environnement sain. L’aggravation de la crise écologique mondiale met en évidence l’importance des sols fertiles, de l’eau propre, des stocks de poissons sauvages, des forêts et des pollinisateurs pour la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition des générations actuelles et futures. Le terme « droits environnementaux » fait référence à l’interaction entre les droits humains et l’environnement. Le droit international de l’environnement a rapidement évolué depuis la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain qui s’est tenue à Stockholm en 1972. Depuis lors, les États ont élaboré un grand nombre d’accords multilatéraux sur l’environnement (AME), réformé leurs constitutions pour reconnaître le droit à un environnement sain et commencé à mettre en place des cadres et des institutions de réglementation environnementale. Depuis le Sommet de la Terre de 1992, les efforts visant à intégrer ces deux domaines du droit et de la politique ont été décrits comme « l’écologisation des droits humains ». Ce processus vise à clarifier les dimensions environnementales des droits humains protégés.

Obligations des États

Le RTFN est essentiel à la réalisation de la justice sociale, environnementale et climatique. La durabilité est un élément clé du contenu normatif du RtFN.[35] Cela ouvre la voie à un examen des impacts environnementaux qui affectent la durabilité et la capacité des communautés et des individus à jouir effectivement du RtFN. L’interrelation entre les droits environnementaux et le RtFN s’étend de plus en plus et comprend, par exemple : les impact des pesticides hautement dangereux et les systèmes alimentaires industriels, les organismes génétiquement modifiés (OGM) et la diversité biologique, les semences et les connaissances traditionnelles, les déchets dangereux et les sols, le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant de l’utilisation des terres, la pêche artisanale et la conservation, les forêts et la séquestration du carbone.

En vertu de leurs obligations en matière de RtFN, les États doivent respecter les droits des peuples autochtones et des autres petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires, nottament des pêcheur∙euse∙s et des éleveur∙euse∙s traditionnel∙le∙s à leurs terres ancestrales, à leurs ressources naturelles et à leur utilisation traditionnelle des terres. En ce sens, toutes les communautés potentiellement affectées doivent être impliquées dans toutes les étapes des processus de prise de décision de manière de manière significative, et leur droit au consentement libre, préalable et éclairé (CLPI) doit être garanti lorsque des projets ou des politiques susceptibles d’avoir des effets néfastes sur l’environnement sont planifiés. La protection des petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires, des pêcheur∙euse∙s traditionnel∙le∙s et des éleveur∙euse∙s qui gèrent et utilisent les écosystèmes de manière durable contre l’accaparement des ressources naturelles et la destruction de l’environnement est essentielle pour promouvoir une alimentation diversifiée, fraîche et saine.

Les cadres législatifs des États devraient adhérer au principe de précaution et inclure des mesures de prévention et d’atténuation des dommages environnementaux. Les États devraient par exemple mettre en place des mesures et des réglementations pour prévenir et atténuer la pollution de l’eau et de l’air, pour limiter l’accumulation de contaminants et pour réglementer strictement l’utilisation des produits agrochimiques, notamment en interdisant le commerce, la distribution et l’utilisation de pesticides très dangereux. Des systèmes efficaces de gestion des risques ainsi que des mécanismes de surveillance de l’environnement doivent être mis en place pour prévenir les dommages environnementaux et les atteintes à la santé dans l’ensemble des systèmes alimentaires.

Les obligations des États relatives au RtFN en matière environnementale leur imposent également d’aligner leurs politiques financières, d’investissement, économiques, de développement et autres sur la protection de l’environnement. Les obligations extraterritoriales des États revêtent une importance particulière dans ce contexte, car nombre de ces politiques peuvent avoir des répercussions sur les droits environnementaux à l’étranger.

Il est vital de donner accès aux recours judiciaires, ainsi qu’à la réparation, qui comprend l’indemnisation, la restitution et la restauration pour les personnes et les communautés touchées par les dommages environnementaux. Ces mécanismes de recours doivent également être mis à la disposition des communautés affectées d’autres pays.

Enfin, les États doivent garantir un environnement sûr et favorable aux personnes et aux organisations qui promeuvent et défendent les droits humains en matière d’environnement.

Liste de mots-clés

  • Un environnement sûr, propre, sain et durable
  • Écosystèmes
  • Information, participation et prise de décision en matière d’environnement
  • Politiques environnementales
  • Destruction de l’environnement
  • Prévention, précaution
  • Contributions nationales déterminées
  • Atténuation, adaptation, résilience
  • Responsabilité, compensation, restauration, remédiation, réparation, restitution
  • Défenseur∙e∙s des droits humains en matière d’environnement
  • Conservation, préservation, régénération
  • Diversité biologique
  • Changement climatique/justice climatique
  • Agroécologie
  • Connaissances collectives, connaissances et pratiques autochtones
  • Semences, OGM, monocultures
  • Produits agrochimiques et pesticides hautement dangereux (PHD)
  • Pollution
  • Conditions de travail sûres et saines

Instruments principaux[36]

Accords multilatéraux sur l’environnement (AME)

Il existe plusieurs centaines d’accords multilatéraux sur l’environnement (AME) en vigueur[37a].  Ces accords peuvent être compris de manière générale en fonction de leur approche réglementaire :

Les AME portant sur les biens communs mondiaux, les AME protégeant les ressources qui relèvent de la juridiction des États, comme la biodiversité ou la prévention de la désertification, et les AME réglementant les mouvements (ou le commerce) internationaux de produits qui présentent un risque pour l’environnement et la santé humaine.

Biens communs mondiaux

Compétence des États

Circulation internationale des produits

Instruments internationales et directives en matière de droits humains

Instruments régionaux relatifs à l’environnement et aux droits humains

Afrique

Europe

Amériques

Asie-Pacifique

Questions directrices

Information, participation et prise de décision en matière environnementale

  • L’État aide-t-il les groupes victimes de discrimination, par exemple les peuples autochtones, les paysan∙ne∙s, les femmes, les jeunes et d’autres personnes marginalisées, à accéder aux informations sur l’environnement ?

    • Des structures liées à l’environnement et des mécanismes de prestation de services sont-ils en place à tous les niveaux du gouvernement ?
  • Existe-t-il des quotas de participation spécifiques ou d’autres mécanismes pour garantir la participation des femmes et d’autres groupes marginalisés aux processus et espaces de prise de décision en matière d’environnement ? Lorsque les communautés parlent différentes langues, la participation est-elle menée dans ces langues afin de garantir leur participation effective ?

    • L’État fournit-il un rapport national sur l’état de l’environnement, y compris sur son impact extraterritorial sur l’environnement, le cas échéant ?
    • Des données ventilées sont-elles disponibles lorsqu’il s’agit d’identifier les différents groupes les plus touchés par la destruction de l’environnement (par exemple, les enfants, les femmes, les peuples autochtones, les Dalits, les sans-terre, les travailleur∙euse∙s migrant∙e∙s et les autres groupes marginalisés) ?
    • Existe-t-il des garanties solides pour se protéger contre les conflits d’intérêts (CI) résultant de relations inappropriées avec le secteur privé et de l’influence de celui-ci, qui compromettent l’intérêt public et l’orientation de la politique publique en matière environnementale ?
    • Le droit des communautés au consentement préalable, libre et éclairé (CLIP) est-il garanti lorsque des projets/politiques ayant un impact sur leur environnement sont planifiés ?

Accès à la justice

  • Cela comprend les personnes touchées par toutes les formes de problèmes environnementaux tels que l’utilisation de pesticides, la pollution, les projets environnementaux, la perte de biodiversité, etc.

    • Votre État garantit et soutient-il l’accès des communautés marginalisées et discriminées aux voies de recours ?
    • Ces mécanismes garantissent-ils la réparation, y compris la compensation, la restitution, la restauration, etc.? Ces mécanismes sont-ils sensibles à la dimension de genre ?
    • Le système juridique permet-il de prendre des mesures de précaution pour prévenir ou atténuer les dommages environnementaux ?

Défenseurs et défenseuses des droits humains environnementaux

    • Votre État garantit-il un environnement sûr et favorable aux personnes et aux organisations qui promeuvent et défendent les droits humains en matière d’environnement ?
    • Si les défenseur∙e∙s des droits humains en matière d’environnement sont attaqué∙e∙s, l’État enquête-t-il efficacement et en temps voulu sur ces attaques et les sanctionne-t-il ?
    • Les défenseur∙e∙s des droits humains environnementaux issus de communautés marginalisées et discriminées sont-il∙elle∙s également reconnu∙e∙s et écouté∙e∙s ?

Biodiversité et gestion durable des ressources

    • Des politiques et des stratégies sont-elles en place pour protéger et promouvoir la biodiversité et l’agroécologie ? Les paysan∙ne∙s ont-ils accès à ces programmes politiques ?
    • Les aliments et les semences locales sont-ils protégés ? Les systèmes de semences paysannes et indigènes sont-ils légalement reconnus ? Les paysan∙ne∙s ont-il∙elle∙s le droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences de ferme ?
    • Existe-t-il des politiques/programmes visant à préserver et à promouvoir la biodiversité de l’eau et la vie aquatique ?
    • Les gens ont-ils accès à l’information sur les OGM ? L’État applique-t-il le principe de précaution en ce qui concerne les modifications génétiques des organismes vivants ? Envisage-t-il l’élimination progressive et l’interdiction des OGM pour la culture, ainsi que pour la consommation humaine et animale ?
    • Les systèmes agraires, de pêche, d’élevage et pastoraux traditionnels des peuples autochtones et des petit∙e∙s producteur∙rice∙s de denrées alimentaires qui gèrent et utilisent les écosystèmes de manière durable sont-il∙elle∙s protégé∙e∙s et encouragé∙e∙s ?
    • La mobilité des populations pastorales, l’accès à la terre, à l’eau, aux marchés et aux services, et la gestion adaptative des terres sont-ils protégés, y compris dans les zones transfrontalières ?
  • À titre d’exemple, les droits fonciers des communautés de pêche artisanale sont-ils protégés ?

    • Des mesures de conservation des forêts, de régénération des forêts indigènes et de restauration des forêts dégradées, ainsi que le développement de systèmes agroforestiers sont-ils en place ?
    • Ces mesures de conservation et régénération sont-elles basées sur la participation et l’autodétermination des populations, et sont-elles fondées sur les droits humains ? Les petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires sont-il∙elle∙s protégé∙e∙s contre l’accaparement des ressources naturelles dans le cadre de projets environnementaux et de la destruction de l’environnement ?
    • La monoculture intensive, l’utilisation de produits agrochimiques et d’antimicrobiens dans l’agriculture sont-ils en expansion ? Où en est l’utilisation des antibiotiques pour la croissance des animaux et l’aquaculture ? L’environnement marin et les stocks de poissons sauvages sont-ils correctement protégés de l’aquaculture intensive ?

Pollution

    • Des mesures sont-elles en place pour prévenir et atténuer la pollution de l’eau et de l’air, y compris celle créée par les ménages ?
  • La qualité de l’eau est-elle préservée pour les usages domestiques, agricoles et alimentaires grâce à des mesures incitatives et dissuasives ciblées ?

    • Les populations disposent-elles de mécanismes pour dénoncer les cas de pollution ? Y compris pour les communautés affectées dans les cas transfrontaliers ?
    • Existe-t-il des lois réglementant la pollution produite par les industries/entreprises ? Ces lois établissent-elles des mécanismes de responsabilité pour les entreprises ?
    • Existe-t-il des réglementations visant à limiter l’accumulation de contaminants afin de préserver la santé humaine, et à faciliter l’assainissement des sols contaminés qui dépassent ces niveaux ? L’État prend-il les mesures nécessaires pour garantir que la gestion des déchets est compatible avec la protection de la santé humaine et de l’environnement ?
    • Des personnes ou des communautés ont-elles perdu leur emploi en raison des changements, de la destruction ou de la pollution de l’écosystème et des ressources naturelles dont elles dépendent pour assurer leur subsistance ? Ces pertes d’emploi ont-elles des impacts différenciés sur certains groupes de la population ?
    • Existe-t-il des réglementations pour prévenir la pollution de l’air, y compris au-delà des frontières ?

Pesticides et engrais chimiques

    • Quelle est la Contribution déterminée au niveau national (NDC) de l’État pour faire face au changement climatique ? Est-ce qu’elle implique de recourir à l’agroécologie ? Prend-elle en compte l’agroécologie ?
    • Quels sont les impacts du changement climatique sur les différents groupes de population du pays ? Quelles mesures sont-elles prises pour atténuer ces impacts ?
    • Comment les connaissances et les compétences des peuples autochtones, des Dalits et des autres communautés agricoles traditionnelles et respectueuses du climat sont-elles reconnues afin d’atténuer le changement climatique ? Les institutions de recherche se concentrent-elles sur la mise à l’échelle des pratiques, technologies et espèces traditionnelles respectueuses du climat ?
  • Les gouvernements locaux ont-ils mis en place un plan de gestion des risques de catastrophes ? Comment les populations bénéficient-elles d’un tel plan ?

    • Quels sont les mécanismes et les processus mis en place pour assurer une participation inclusive à la gestion des risques de catastrophe et de soutien post-catastrophe (secours, réhabilitation, ainsi que les garanties et les droits environnementaux) ?

Changement climatique

    • Quelle est la Contribution déterminée au niveau national (NDC) de l’État pour faire face au changement climatique ? Est-ce qu’elle implique de recourir à l’agroécologie ? Prend-elle en compte l’agroécologie ?
    • Quels sont les impacts du changement climatique sur les différents groupes de population du pays ? Quelles mesures sont-elles prises pour atténuer ces impacts ?
    • Comment les connaissances et les compétences des peuples autochtones, des Dalits et des autres communautés agricoles traditionnelles et respectueuses du climat sont-elles reconnues afin d’atténuer le changement climatique ? Les institutions de recherche se concentrent-elles sur la mise à l’échelle des pratiques, technologies et espèces traditionnelles respectueuses du climat ?
  • Les gouvernements locaux ont-ils mis en place un plan de gestion des risques de catastrophes ? Comment les populations bénéficient-elles d’un tel plan ?

    • Quels sont les mécanismes et les processus mis en place pour assurer une participation inclusive à la gestion des risques de catastrophe et de soutien post-catastrophe (secours, réhabilitation, ainsi que les garanties et les droits environnementaux) ?

Où trouver des réponses

Des informations pertinentes peuvent être trouvées dans divers endroits, dont les suivants :

  • Agence gouvernementale ou ministère de l’environnement : Ces institutions peuvent disposer de systèmes d’information publics, publier des rapports et des communiqués de presse, ainsi que d’autres sources d’information.
  • Lois, règlements et jurisprudence : Les bases de données nationales et internationales peuvent aider à établir des informations de base sur les exigences légales.
  • Codes de conduite et rapports des entreprises : Ces instruments peuvent inclure des informations sur les questions de santé au travail.
  • Registres des émissions et des transferts de polluants : Ces instruments peuvent aider à accéder aux données sur la pollution.
  • Entretiens avec des membres de la communauté et des travailleur∙euse∙s, y compris des entretiens spécifiques avec des femmes ou d’autres groupes victimes de discrimination : Cette méthodologie peut aider à amplifier les voix et les témoignages de la communauté, ainsi qu’à établir ou même à découvrir des faits.
  • Entretiens avec la presse et contacts avec les journalistes : Les journalistes spécialisé∙e∙s peuvent disposer d’une mine d’informations sur la situation des droits environnementaux dans une région ou un lieu spécifique.
  • Sources académiques (universitaires effectuant des recherches participatives sur le sujet)
  • Institutions communautaires traditionnelles telles que les groupes de mères, les groupes religieux, les groupes d’agriculteur∙rice∙s, etc.

Ressources utiles sur le sujet

Organisations de la société civile

Inter-governmental organizations

Droits environnementaux

Népal : La Haute Cour ordonne à l'industrie du ciment de mettre immédiatement fin à la pollution

Au Népal, de nombreuses industries cimentières ont un impact négatif sur la santé et le bien-être des communautés locales en raison de l’assèchement des ressources en eau, du déclin de la production agricole et de la pollution de l’environnement par la poussière et la fumée. En 2021, dans leur lutte pour vivre dans un environnement propre et pour protéger leur droit à l’eau et à la nourriture tel qu’il est inscrit dans la Constitution du Népal et dans la loi sur le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire, les communautés affectées ont déposé une pétition contre les opérations de l’industrie du ciment Ghorahi et le bureau de l’administration du district devant la Haute Cour de Tulsipur, district de Dang, province de Lumbini, avec le soutien de FIAN Nepal. La Haute Cour a ordonné à Ghorahi Cement Industry de cesser immédiatement de polluer l’environnement et de prendre les mesures d’atténuation appropriées. Elle a également ordonné à l’entreprise de suivre la recommandation du rapport d’inspection du ministère de la population et de l’environnement (département de l’environnement) d’utiliser des équipements tels que des filtres et des arroseurs d’eau pour contrôler les effets négatifs sur l’environnement.

« Nous sommes affectés par l’industrie et sa pollution. Nos sources d’eau ont commencé à se tarir et la production agricole a été faible. Notre droit à l’alimentation est violé », a déclaré l’un des requérants. « Il y a eu de nombreux impacts négatifs sur la santé humaine, la production agricole et les sources d’eau lorsque l’industrie n’a pas respecté les normes minimales. Nous avons été contraints de saisir la justice après qu’une série d’activités de plaidoyer ont été ignorées par l’entreprise. La décision de la Haute Cour a justifié notre demande ».