Systèmes et régimes alimentaires sains et durables

Systèmes et régimes alimentaires sains et durables

Introduction [3]

La notion de systèmes alimentaires fait référence au réseau d’acteurs, de processus et d’interactions impliqués dans la culture, la transformation, la distribution, la consommation et l’élimination des aliments,[4] ainsi qu’aux résultats sociaux, économiques et environnementaux que ces activités génèrent.[5]

Une approche holistique des systèmes alimentaires se concentre sur la manière dont ces divers processus interagissent ensemble, et plus largement avec les contextes[6] environnemental, social, politique et économique qui leur sont propres, tout en reconnaissant le rôle particulier que jouent les relations de pouvoir, de genre et intergénérationnelles dans ces processus. Elle reconnaît également la complexité des relations des systèmes alimentaires avec d’autres secteurs et systèmes (comme les écosystèmes, les systèmes économiques, socioculturels et de santé).[7]

Les systèmes alimentaires affectent le droit à une alimentation et à une nutrition adéquates dans toutes ses dimensions, de la disponibilité et l’accessibilité des aliments à leur caractère adéquat (par exemple, culturel, sécuritaire, nutritionnel). Les droits des paysan∙ne∙s aux ressources naturelles, les droits des travailleur∙euse∙s à des salaires décents et à une protection sociale, et les droits des enfants à une alimentation saine, sont tous intrinsèquement liés au système alimentaire.  La manière dont les systèmes alimentaires sont façonnés – de la graine à l’assiette – est donc essentielle pour la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition et des droits connexes.

Le système alimentaire industriel dominant et son mode de production agro-industriel – basés sur la monoculture, des niveaux élevés d’intrants chimiques et des semences commerciales – sapent le RtFN de multiples façons et jouent un rôle central dans la faim et la malnutrition.[8] Dans l’ensemble du système alimentaire des entreprises, les personnes, les animaux et la nature sont exploités pour maintenir des coûts bas et maximiser les profits. Le système pousse à l’homogénéisation des régimes alimentaires et à la consommation de produits alimentaires ultra-transformés très rentables (« la malbouffe »), avec des effets néfastes sur la santé des personnes et la biodiversité de notre planète. Les variétés locales de plantes adaptées aux conditions locales, ainsi que les connaissances sur la façon de les cultiver et de les préparer pour une nutrition optimale, disparaissent. Dans le même temps, le changement climatique, l’écodestruction et l’accaparement des ressources naturelles liés au système alimentaire des entreprises privent les communautés à la fois de leur capacité à cultiver leur propre nourriture et de leur souveraineté alimentaire.

La nécessité de transformer les systèmes alimentaires pour les rendre plus sains et plus durables n’est plus à démontrer depuis plusieurs années. Malheureusement, ce débat manque généralement d’une perspective fondée sur les droits humains, sans prêter attention aux problèmes liés au système alimentaire des entreprises. En conséquence, on préconise des solutions de surface et, surtout, au sein même du système alimentaire des entreprises, au lieu de chercher à s’en éloigner. Ironiquement, comment transformer significativement les systèmes alimentaires si les mêmes entreprises qui sont à l’origine des pratiques d’exploitation les plus néfastes et constituent le système alimentaire industriel sont systématiquement invitées à contribuer aux débats de politique publique sur la manière d’améliorer le système ?

Pendant ce temps, les petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires, qui produisent la plupart des aliments dans le monde tout en prenant soin de la planète, et les autres groupes les plus touchés par la faim et la malnutrition, ont été largement exclus des débats sur les politiques publiques et leurs solutions ignorées ou négligées. Cela est particulièrement vrai pour l’agroécologie[10], qui décrit un large éventail de pratiques préservant l’environnement et les connaissances traditionnelles, protégeant et favorisant la biodiversité et la résilience et cherchant à changer les relations de pouvoir établies. Bien qu’elle soit reconnue en théorie et en pratique comme un élément essentiel de la transformation des systèmes alimentaires, on considère encore trop peu l’agroécologie, souvent décrite comme « une solution parmi d’autres » plutôt que la voie à suivre pour rendre les systèmes alimentaires sains, durables et justes.  En ce sens, la gouvernance des systèmes alimentaires – qui a son mot à dire dans l’élaboration du système – est au cœur de la transformation des systèmes alimentaires.

Les obligations des États

Les États ont l’obligation de façonner les systèmes alimentaires de manière à ce qu’ils contribuent – et ne portent pas atteinte – à la réalisation du droit à l’alimentation et à la nutrition et des droits connexes. Ils doivent veiller à ce que les politiques et les programmes liés aux systèmes alimentaires – comme l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et la nutrition, le travail et le commerce – soient cohérents et favorisent les droits humains dans toutes leurs dimensions et dans l’ensemble du système alimentaire. Un programme de repas scolaires, par exemple, ne devrait pas se limiter aux objectifs nutritionnels et de santé des élèves, mais chercher en même temps à protéger l’environnement et à améliorer les moyens de subsistance des petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires (par exemple, en achetant des aliments produits de manière durable à des prix équitables auprès des petit∙e∙s producteur∙rice∙s locaux). De même, les efforts visant à accroître l’accès des « consommateur∙rice∙s » à des aliments sains ne doivent pas simplement consister à rendre ces aliments moins chers, cela entraînant des effets néfastes sur les paysan∙ne∙s et les travailleur∙euse∙s qui dépendent de prix et de salaires équitables pour réaliser leur propre droit à l’alimentation et à la nutrition. Les interventions sur les systèmes alimentaires doivent donc adopter une perspective holistique, prenant en compte tous les impacts sur l’ensemble du système alimentaire. Elles doivent s’appuyer sur les expériences des personnes les plus touchées par la faim et la malnutrition et accorder une place centrale à leurs besoins et à leurs droits. Il s’agit notamment des travailleur∙euse∙s (voir le module sur les droits des travailleur∙euse∙s), des peuples autochtones et des communautés rurales, dont les paysan∙ne∙s et autres producteur∙rice∙s  (voir le module sur la souveraineté alimentaire), des femmes (voir le module sur les droits des femmes), et des enfants, des adolescents et des jeunes, entre autres.

Une approche de la gouvernance des systèmes alimentaires basée sur les droits humains implique que les groupes les plus affectés par la faim et la malnutrition ont l’espace et les moyens pour participer de manière significative à la conception de politiques publiques et à leur mise en œuvre. Elle exige en même temps des garanties efficaces de protection contre l’influence de l’industrie alimentaire et de ses groupes de pression dans l’élaboration des politiques publiques. Lorsque des plateformes multipartites sont en place, elles doivent clairement distinguer et garantir les rôles appropriés des différents acteurs participants (les détenteurs de droits par rapport aux groupes ayant un intérêt commercial), en en remédiant aux différences de pouvoir.De solides mécanismes de reddition de comptes sont également essentiels pour défendre l’intérêt public et garantir l’alignement des politiques publiques sur les droits humains. Les systèmes alimentaires sont souvent façonnés par des facteurs qui dépassent les frontières nationales, notamment les règles internationales en matière de commerce et d’investissement, le changement climatique et la pollution environnementale. Par conséquent, la mise en œuvre des obligations extraterritoriales en matière de droits humains joue un rôle essentiel pour garantir des systèmes alimentaires fondés sur les droits humains. La réglementation des sociétés transnationales est une composante fondamentale de ce processus.

Liste de mots-clés 

  • Systèmes alimentaires locaux et territoriaux
  • Système alimentaire industriel/des entreprises
  • Modèle de production agro-industrielle
  • Nutrition et santé
  • Régimes alimentaires sains et durables
  • Allaitement maternel
  • Malnutrition sous toutes ses formes
  • Produits alimentaires ultra-transformés (« malbouffe »)
  • Participation significative des groupes les plus touchés par la faim et la malnutrition
  • Interférence de l’industrie, conflits d’intérêts
  • Agroécologie
  • Participation, souveraineté et autodétermination
  • Traditions alimentaires et patrimoine culturel
  • Marchés de producteurs
  • Biodiversité
  • Protection des biens communs
  • Travail de soin

Instruments principaux

Questions directrices

Gouvernance des systèmes alimentairess

  • [12]

  • En l’absence de politiques spécifiques, le droit à l’alimentation peut également être protégé dans le cadre du droit à la vie. Par exemple, le droit à l’alimentation est protégé par le droit à la vie garanti par la Constitution indienne.

  • Ces institutions peuvent être des ministères spécifiques ou d’autres organisations sectorielles et peuvent fonctionner à la fois aux niveaux national, régional et/ou local.

    • Collaboration et cohérence intersectorielles : Les ministères et les autres secteurs de l’administration publique collaborent-ils pour traiter les questions liées aux systèmes alimentaires et à la nutrition ? Les politiques sectorielles sont-elles cohérentes les unes avec les autres, ou y a-t-il des contradictions (par exemple, entre les politiques commerciales et agricoles) ?
  • Les groupes les plus touchés sont ceux des paysans, des pêcheurs à petite échelle, des éleveurs, des travailleurs, des peuples autochtones, des femmes et des filles.

    • Sur ce point, il peut être utile de porter un regard critique sur la composition des organes de participation sociale (par exemple, les conseils de politique alimentaire) en posant les questions suivantes : Qui y participe ? Les différents intérêts et rôles de ces acteurs sont-ils reconnus et clairement distingués ? Ces espaces mettent-ils l’accent sur les personnes les plus marginalisées et les plus touchées par la faim et la malnutrition ? Les déséquilibres de pouvoir sont-ils abordés ? Comment les différends sont-ils résolus ?
  • Par exemple, les agences publiques et les institutions de recherche sont-elles financièrement indépendantes, ou sont-elles financées par des entreprises, des fondations privées  ou d’autres bailleurs favorisant les intérêts du secteur privé ? Votre État s’engage-t-il dans des partenariats avec de grandes entreprises du secteur de l’alimentation et des boissons ? Existe-t-il des règles efficaces pour contrôler les « portes tournantes » (par exemple, les anciens et actuels représentants de l’industrie qui occupent des fonctions publiques) et les conflits d’intérêts parmi les fonctionnaires?

    • Existe-t-il des réglementations et des cadres clairs relatifs à la reddition de comptes pour tenir les acteurs privés, y compris les entreprises, responsables des actions qui portent atteinte aux droits humains dans les systèmes alimentaires et la nutrition, y compris sur le plan extraterritorial ?
    • La gouvernance des systèmes alimentaires et de la nutrition est-elle transparente ?
  • Permettent-ils une participation effective des titulaires de droits / des personnes touchées par la faim et la malnutrition ?

Protection et régénération de la nature

  • Y a-t-il, par exemple, des incitations ou des crédits, un soutien technique, une aide à l’irrigation et un accès aux marchés pour les petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires ?

  • Par exemple, votre État les protège-t-il de la privatisation ? Votre État permet-il la mobilité des populations pastorales et facilite-t-il une gestion responsable des ressources communes ? Votre État respecte, protège et réalise-t-il les droits des communautés vivant de la pêche à petite échelle sur les lieux de pêche traditionnels qui constituent la base de leurs moyens de subsistance ?

    • Existe-t-il des mesures incitatives pour protéger la disponibilité et l’accès aux aliments sauvages, aux espèces et variétés médicinales locales, et à la biodiversité agricole locale dans les systèmes agraires autochtones et paysans, y compris la pêche artisanale et à petite échelle, et les systèmes d’élevage/pastoralisme ?
    • Votre État respecte, protège et réalise-t-il les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences de ferme ou leur matériel de propagation ?
  • Par exemple, des subventions agricoles et des programmes d’assistance technique pour soutenir une transition vers l’agroécologie ?

    • Existe-t-il des mécanismes pour promouvoir la gestion durable et la conservation des écosystèmes pour une disponibilité continue de l’eau et la conservation et la restauration de l’agro-biodiversité ?
    • Votre État prend-il des mesures pour la conservation des forêts, la régénération des forêts indigènes et la restauration des forêts dégradées ?
    • Votre État adopte-t-il des politiques participatives pour l’utilisation et la gestion des forêts qui améliorent l’accès des populations autochtones et des communautés locales aux aliments forestiers importants sur le plan nutritionnel ?
    • Votre État prend-il des mesures efficaces pour mettre fin à la contamination et à la destruction des aquifères et des sources d’eau, à la surpêche, à l’épuisement des mers, à la déforestation et à la souffrance animale dans l’ensemble des systèmes alimentaires ?
    • Votre État dispose-t-il d’une réglementation efficace interdisant ou limitant l’utilisation de pesticides et d’autres substances nocives tout au long de la production, de la conservation, de la transformation, du stockage et de la distribution des aliments ?

Santé et bien-être

  • La malnutrition sous toutes ses formes désigne, d’une part, la dénutrition (émaciation, retard de croissance, carences en micronutriments, insuffisance pondérale) et, d’autre part, le surpoids, l’obésité et les maladies non transmissibles (MNT) qui y sont liées. Les MNT liées à l’alimentation comprennent les maladies cardiovasculaires (par exemple, les crises cardiaques), certains cancers et le diabète.

  • Cela peut se faire par le biais de politiques, d’investissements, de recherches, de réglementations et de subventions. Par exemple, des profils nutritionnels et des directives alimentaires sont-ils établis et utilisés pour ajuster et informer les politiques alimentaires et nutritionnelles afin de promouvoir la diversité alimentaire ? Les politiques, programmes ou cadres réglementaires reconnaissent et promeuvent-ils la valeur nutritionnelle et les avantages pour la santé des aliments produits grâce aux semences et aux variétés provenant des paysans et des peuples autochtones, ainsi que leurs pratiques de production et de gestion, en particulier l’agroécologie ?

    • Les cadres politiques et/ou juridiques reconnaissent-ils l’importance d’écosystèmes sains et de leur utilisation durable pour la nutrition, la santé et le bien-être ?
  • Par le biais, par exemple, de ses politiques de marchés publics (approvisionnement auprès de petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires locaux∙les à des prix équitables) et de mesures réglementaires (par exemple, réglementation de la promotion, du marketing et de la vente de produits comestibles ultra-transformés dans les écoles, fourniture d’eau potable gratuite).

    • Votre État encourage-t-il les cultures culinaires traditionnelles, ainsi que l’enseignement culinaire dans les écoles et les centres communautaires, et prend-il des mesures pour prévenir les conflits d’intérêts dans la sélection des prestataires ?
  • Par la réglementation, par exemple, des entreprises qui cherchent à promouvoir les substituts du lait, la protection de la maternité, le congé parental et les conditions de travail qui permettent l’allaitement.

    • Des mesures réglementaires sont-elles en place concernant la production, la promotion commerciale, la commercialisation et la consommation de produits comestibles ultra-transformés, y compris les substituts du lait maternel, sous la forme de politiques, de prix et d’autres interventions (comme les taxes sur les boissons sucrées) ?
    • Votre État a-t-il progressé dans la formulation et la mise en œuvre d’un étiquetage interprétatif impartial sur la face avant des emballages, qui avertit et informe les gens des risques liés à la consommation d’aliments ultra-transformés et de leur teneur critique en nutriments ?
    • Sur base de l’expérience de la pandémie de COVID-19, votre État a-t-il développé des stratégies avec la participation de titulaires de droits pour prévenir et faire face à de futures crises alimentaires (ou autres) ?
  • En protégeant, par exemple, le droit à l’eau des paysan∙ne∙s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales pour leur usage personnel et domestique, l’agriculture, la pêche et l’élevage, et en assurant d’autres moyens de subsistance liés à l’eau, comme le reconnaît l’article 21.2 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) ?

    • Quelle est l’approche adoptée par votre État en ce qui concerne les nouvelles technologies (comme la biofortification, les semences et organismes génétiquement modifiés) ? L’État utilise-t-il des critères relatifs aux droits humains pour les évaluer, et applique-t-il le principe de précaution lorsque les risques sont incertains ?
    • Le gouvernement fournit-il des informations largement accessibles sur les risques sanitaires liés aux OGM ? Des réglementations et des mécanismes sont-ils en place pour contrôler la présence d’aliments (produits) contenant des OGM ? Les produits contenant des OGM sont-ils étiquetés ?
  • La sécurité alimentaire prend-elle en compte l’ensemble du système alimentaire (par exemple, la santé des travailleur∙euse∙s, l’utilisation de pesticides au niveau de la production) ou se concentre-t-elle uniquement sur la consommation ?

    – Encourage-t-elle les aliments naturels et locaux exempts de produits chimiques ou se concentre-t-elle sur l’hygiène (existence de microbes) qui, en fin de compte, soutient l’agro-industrie / les aliments produits industriellement / emballés ?

    – Existe-t-il une évaluation efficace des risques, adaptée à l’échelle des entreprises, des contextes et des modes de production ?

    • Votre État promeut-il ou exporte-t-il au niveau international, y compris via l’aide alimentaire, des aliments ou des produits comestibles qui contiennent des substances interdites dans votre État ?
  • Limite-t-il strictement leur utilisation aux situations d’urgence, tout en prenant des mesures pour empêcher leurs effets secondaires néfastes, y compris leur interférence avec les cultures et marchés alimentaires locaux ?

  • Pour empêcher, par exemple, la circulation de produits ultra-transformés ou contenant des OGM ou culturellement inadéquats.

Modes de production, d'emploi et d'échange

  • Par exemple, en ce qui concerne les subventions, le financement public soutient-il la production alimentaire industrielle ou la production alimentaire traditionnelle et agroécologique à petite échelle ? Soutient-il les chaînes de valeur mondiales et les grands supermarchés, ou les marchés locaux et territoriaux et les systèmes de vente directe ?

  • Par exemple, par des incitations, des programmes ou des plans d’action pour la transition vers l’agroécologie ? Ce soutien à l’agroécologie inclut-il une perspective d’équité de genre ?

    Par exemple, cherche-t-il à construire des relations égalitaires dans une perspective de genre et à permettre l’autonomie des femmes[15] (Voir aussi le module sur les droits des femmes)

  • Exemples de mesures :

    • Mise en œuvre de programmes d’approvisionnement pour les institutions publiques, y compris l’assistance alimentaire et les repas scolaires,
      • grâce auxquels les petits producteur∙rice∙s d’aliments sont lié∙e∙s à la demande organisée de nourriture et d’autres produits agricoles ;
    • Développement ou amélioration des infrastructures adaptées à la petite production alimentaire ;
    • Limitation de l’expansion des grands supermarchés ;
    • Réglementation de l’achat de denrées alimentaires en ligne et découragement du renforcement de la distribution alimentaire à grande échelle, et promotion de la production alimentaire décentralisée à petite échelle, du commerce et de la vente au détail, ainsi que de conditions de travail décentes ;
    • Soutien aux systèmes de vente directe, y compris les partenariats locaux et solidaires entre producteur∙rice∙s et consommateur∙rice∙s (tels que l’agriculture soutenue par la communauté ou les coopératives alimentaires) ;
    • Soutien à l’agriculture biologique urbaine et périurbaine.
  • Cela inclut l’élimination progressive des pesticides et des engrais synthétiques, de la résistance antimicrobienne, de la souffrance animale, des hormones dans le bétail, des OGM, des métaux, ainsi que du plastique et d’autres matières résiduelles.

    • En matière de conditions de travail et de vie (voir aussi le module sur les droits des travailleurs) :
      • Existe-t-il des mesures garantissant des conditions de travail et de vie décentes à tous les travailleurs agricoles et alimentaires, y compris les travailleur∙euse∙s migrant∙e∙s et saisonnier∙ère∙s ? Les emplois sont-ils rémunérés par un salaire minimum adéquat ?[16]
      • Des mesures sont-elles en place pour protéger, respecter et réaliser le droit de travailler dans des conditions sûres et saines et le droit de ne pas utiliser de substances dangereuses ou de produits chimiques toxiques ?
      • Votre État reconnaît-il que les organisations paysannes et les syndicats de travailleur∙euse∙s des systèmes agricoles et alimentaires jouent un rôle crucial dans le maintien de la santé et du bien-être des travailleur∙euse∙s ?
    • Les règles de commerce et d’investissement protègent-elles la production alimentaire locale, les marchés et la santé publique ?
    • Votre État a-t-il avancé des actions concrètes pour le développement participatif de réserves alimentaires stratégiques ?

Culture, relations sociales et connaissances

  • Il s’agit notamment des connaissances collectives traditionnelles (souvent transmises oralement), des innovations et des pratiques des peuples autochtones, des communautés paysannes, piscicoles, pastorales et locales en matière de production alimentaire, de préparation, de nutrition, de conservation et d’utilisation durable de la diversité biologique et des écosystèmes

    • L’État reconnaît-il l’importance des différentes formes de connaissances et soutient-il les processus dans lesquels les connaissances sont co-construites, au lieu de placer les connaissances scientifiques au-dessus des autres formes de connaissances ?
  • À cet égard, l’agroécologie est-elle considérée comme une innovation à privilégier ?

  • Par exemple, les enfants sont-ils incités à réfléchir, à apprendre et à partager leurs opinions sur les aliments qu’ils consomment et la façon dont ceux-ci sont produits

  • Par exemple, en soutenant les jardins scolaires et communautaires et les marchés de producteur∙rice∙s locaux∙les.

  • Par le biais de marchés paysans ou de systèmes de vente directe, par exemple?

    • Existe-t-il une reconnaissance et un soutien institutionnel (par la protection de la maternité, le congé parental, des structures de soutien, par exemple) pour le travail de soins, comme la cuisine, l’alimentation, l’allaitement, la prise en charge des personnes âgées et des personnes ayant des besoins particuliers, l’environnement (travail des semences, etc.) ? Les mesures publiques dans ce domaine visent-elles à modifier les rôles sexués établis et à redistribuer le travail de soins afin que les hommes et les garçons assument la part qui leur revient ? (Voir aussi le module sur les droits des femmes).

Où trouver des réponses

  • Programmes du ministère de l’agriculture, subventions, allocation des fonds (soutien à l’agriculture industrielle à grande échelle / aux producteurs d’aliments par rapport au soutien aux petits producteurs, à l’agroécologie).
  • Politiques, programmes et stratégies de nutrition, tant au niveau national qu’infranational. Quelles sont les priorités ? Que fait-on dans la pratique ? Comment les fonds sont-ils alloués (solutions à court terme / techniques vs solutions s’attaquant aux causes structurelles de la malnutrition / visant la transformation des systèmes alimentaires vers des régimes sains, durables et justes) ?
  • Mécanismes en place pour assurer le dialogue intersectoriel et la cohérence des politiques. Politiques pertinentes : agriculture, alimentation, nutrition, santé, commerce, marchés publics, etc. Conflits entre les objectifs de santé / nutrition et les objectifs / soutiens agricoles ? Conflits entre les politiques commerciales et d’investissement et les objectifs de santé publique / droit à l’alimentation (par exemple, promotion des systèmes alimentaires locaux / marchés / petits producteurs alimentaires / régimes alimentaires sains) ?
  • Conseils de politique alimentaire et autres mécanismes de participation publique à la gouvernance des systèmes alimentaires. Qui participe et dans quelles conditions / avec quelle voix ? Dans le cas de mécanismes incluant le secteur privé : existe-t-il des garde-fous contre les conflits d’intérêts ?
  • ­OMS : données nationales sur la nutrition, les régimes alimentaires, les maladies non transmissibles.
  • Données nationales de la FAO sur l’agriculture, la sécurité alimentaire, etc.
  • Enquêtes démographiques et sanitaires des pays.
  • Statistiques sur l’agriculture biologique et le commerce équitable.
  • Utilisation de produits agrochimiques : interdictions et autorisations.

Ressources utiles sur le sujet

Systèmes et régimes alimentaires sains et durables

Les défis de la gouvernance des systèmes alimentaires : Conflits d'intérêts dans les initiatives multipartites - l'exemple de SUN

Les conflits d’intérêts (CI) font référence à un conflit chez une personne ou au sein d’une institution publique et impliquent « un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ».[17]

Une collaboration étroite entre le secteur privé et le secteur public, dans le cadre, par exemple, de partenariats public-privé ou d’initiatives dites multipartites, accroît le risque de conflits d’intérêts. Ces initiatives doivent donc inclure des garanties efficaces contre les conflits d’intérêts, dans le but de protéger l’indépendance, l’intégrité et la fiabilité des acteurs et institutions publics.[18]

FIAN International, IBFAN et SID ont examiné le cas spécifique de Scaling up Nutrition (SUN),[19] – une initiative multipartite fondée en 2010, dont la mission est « de mettre fin à la malnutrition sous toutes ses formes ». Parmi les membres du SUN Business Network figurent des entreprises telles que Mars, PepsiCo, DSM, Ajinomoto, Kellogg’s et Cargill, dont beaucoup sont de grands fabricants d’aliments ultra-transformés. Les résultats de l’étude tendent à montrer qu’au lieu d’apporter des changements significatifs dans la vie des personnes les plus touchées par la faim et la malnutrition, SUN pourrait en fait aggraver leur situation de vulnérabilité et de marginalisation tout en sapant les efforts de ceux qui demandent une réglementation efficace en matière de conflits d’intérêts.

SUN a élaboré un guide de gestion des conflits d’intérêts pour répondre à la critique antérieure de la société civile concernant sa gestion de ceux-ci. Ce guide est très problématique car il redéfinit fondamentalement le concept juridique des conflits d’intérêts d’une manière qui s’adapte et légitime la structure de gouvernance multipartite de SUN. Ainsi, l’objectif des mesures de protection contre les conflits d’intérêts présenté dans la définition de SUN est la protection des « objectifs de l’entreprise commune », c’est-à-dire tout ce qui a été convenu par tous les membres de l’initiative, y compris les entreprises. En outre, le guide suggère que les conflits d’intérêts sont « externes » et causés par des désaccords et des différences d’opinion entre les acteurs qui peuvent être résolus. Il y a donc confusion entre les conflits d’intérêts et les divergences d’opinions et d’intérêts entre les différents acteurs.

Malheureusement, le concept de conflit d’intérêts redéfini par SUN a également influencé les processus de l’OMS, malgré les vives critiques des experts en la matière. Il s’agit notamment de l’élaboration du Cadre de collaboration avec les acteurs non étatiques (FENSA) de l’organisation et de son guide intitulé Protection contre les conflits d’intérêts possibles dans les programmes nutritionnels : Approche pour la prévention et la gestion des conflits d’intérêts dans l’élaboration et l’exécu­tion des programmes nutritionnels au niveau des pays.[20]

Transformation des systèmes alimentaires : Leçons de Cuba

Cuba représente un exemple de transition agroécologique. On estime que 60 % des légumes, du maïs, des haricots, des fruits et de la viande de porc consommés à Cuba sont produits de manière agroécologique. L’agriculture urbaine biologique – les  » organopónicos  » – représente jusqu’à 70 % des légumes produits de manière agroécologique dans les grandes villes (Altieri, 2016).[21]

La transition a commencé après l’effondrement de l’Union soviétique, qui, en conjonction avec l’embargo américain préexistant, a obligé les agriculteurs à remplacer les intrants de production alimentaire industrielle intensive par des intrants biologiques (IPES-Food, 2018). Au fil du temps, les agriculteurs ont commencé à utiliser un large éventail de pratiques agroécologiques telles que la diversification des cultures ou la lutte biologique contre les parasites. Parmi les étapes les plus importantes de la transition de Cuba, on peut souligner les suivantes :

  • Les échanges de connaissances décentralisés entre agriculteurs, fondés sur une méthodologie d’enseignement et de mentorat entre pairs (HLPE, 2019),[22] qui ont non seulement favorisé la diffusion des connaissances mais aussi contribué à renforcer la solidarité entre les agriculteurs (Rosset et al., 2011) ;[23]
  • Les agriculteur∙rice∙s deviennent les expert∙e∙s de la recherche et des échanges, en même temps que  l’agroécologie s’institutionnalise dans les programmes d’enseignement ;
  • Développement de variétés de cultures et de produits biologiques adaptés aux conditions locales (IPES-Food, 2018) ;[24]
  • Construction d’une coopération institutionnelle entre les différentes parties prenantes, comme les centres de recherche et les services de conseil en agroécologie, démontrant l’importance de la coopération entre l’État, les mouvements sociaux et la recherche scientifique (HLPE, 2019).[25]

Les initiatives ont été menées par l’Association nationale des petits agriculteurs (Asociación Nacional de Agricultores Pequeños, ANAP), qui a reçu le soutien de l’État lorsque le potentiel d’une transition agroécologique est devenu évident.

L’expérience cubaine souligne ainsi l’importance du soutien des politiques publiques, d’une paysannerie fortement organisée et de l’utilisation intentionnelle et systématique par une organisation paysanne d’une méthodologie de changement social. Cependant, l’accès à une alimentation saine et durable pour l’ensemble de la population cubaine n’est pas encore réalisé, et l’agroécologie continue de coexister avec des priorités et des paradigmes concurrents (IPES-Food, 2018).[26]