Démocratie et reddition de comptes

Démocratie et reddition de comptes

Introduction

Les droits humains s’appliquent à toutes les dimensions des systèmes alimentaires, et en particulier aux dimensions de gouvernance, normatives et de responsabilité des systèmes alimentaires. Bien que le droit humain à une alimentation et à une nutrition adéquates (RtFN) (et toutes ses dimensions concernant l’adéquation, l’accessibilité, la disponibilité et la durabilité) soit central dans une approche des systèmes alimentaires fondée sur les droits fondamentaux, les droits humains sont indivisibles, interdépendants et intimement liés. En ce sens, le RtFN est étroitement lié aux autres droits de l’homme (HLPE, 2020).

Les États ont la responsabilité première de respecter, protéger et réaliser les droits humains dans l’ensemble des systèmes alimentaires. Le RtFN est au cœur de la gouvernance des systèmes alimentaires dans le contexte de l’indivisibilité des droits humains, avec une référence particulière au droit à la santé, aux droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, aux droits des peuples autochtones, aux droits des femmes, aux droits des enfants et aux droits des travailleurs.[38]

Les États devraient mettre en place des mécanismes efficaces de suivi et d’évaluation qui garantissent que les politiques, les investissements et les autres mesures publiques sont conformes à leurs obligations en matière de droits humains. Ils devraient en outre veiller à ce que la société civile, en particulier les groupes historiquement privés de leurs droits, joue un rôle important dans le suivi et l’évaluation. Le suivi et l’évaluation doivent être exempts de toute interférence de la part des entreprises. Une partie importante du suivi et de l’évaluation concerne également les évaluations préalables et continues de l’impact sur les droits humains des politiques et interventions (proposées) afin d’identifier et de prévenir les risques potentiels pour le RtFN et les autres droits connexes.

La reddition de comptes est une condition essentielle de la gouvernance démocratique fondée sur les droits humains. Les États doivent assurer la transparence de leurs actions et mettre en place des cadres et des mécanismes clairs par lesquels ils peuvent être tenus responsables des décisions et des actions concernant les systèmes alimentaires qui ont une incidence sur les droits humains. Il convient également que les États établissent des réglementations et des cadres de responsabilité clairs pour tenir les acteurs privés, y compris les entreprises, responsables des actions qui affectent les droits humains dans l’ensemble des systèmes alimentaires. Un exemple lié à la pandémie de COVID-19 montre comment le système alimentaire industriel en difficulté détruit l’environnement et crée les conditions pour la propagation des zoonoses, tout en produisant des aliments ultra-transformés qui exposent la santé des gens à un risque plus élevé de maladies non transmissibles telles que l’obésité et le diabète.

L’affaiblissement intentionnel des institutions publiques chargées du bien-être social, de la réglementation et de la redistribution des richesses exacerbe les inégalités et déstabilise la paix sociale. La pauvreté chronique, la violence structurelle et les conflits internes et transfrontaliers entraînent une augmentation du nombre de migrant∙e∙s et de réfugié∙e∙s, détruisent le tissu social et affectent la confiance des jeunes dans une vie décente. La résistance à ces injustices est criminalisée et fait l’objet d’une répression brutale. C’est ainsi que la réalisation du RtFN a été gravement compromise. En outre, les personnes sur le terrain explorent des alternatives pour compléter la gouvernance institutionnelle internationale et les mécanismes de reddition de comptes, en particulier dans le contexte de l’affaiblissement des espaces institutionnels internationaux en matière de droits humains.

Liste de mots-clés

  • Montée du populisme et de l’extrémisme
  • Mécanismes et alternatives populaires
  • Droit coutumier
  • Système judiciaire
  • Systèmes de semences
  • Démocratie
  • Responsabilité de l’État
  • Défenseur∙e∙s des droits humains
  • Suivi

Instruments principaux

Questions directrices

Démocratie

  • Par exemple, les discours publics suprématistes, anti-droits humains, homophobes, misogynes, racistes, xénophobes de leaders, influenceur∙euse∙s, haut∙e∙s fonctionnaires, politicien∙ne∙s, médias et autres personnalités.

    • Existe-t-il des discours/crimes haineux à l’encontre des migrant∙e∙s, des groupes minoritaires ou des groupes ethniques ?
    • Avez-vous observé des personnalités publiques qui tentent d’attiser les tensions ethniques et la violence ?
    • Existe-t-il un discours discriminatoire sur qui « mérite » de faire partie d’une communauté à l’encontre de certains groupes minoritaires de la population ?
    • Les résultats des élections démocratiques sont-ils respectés ? Un coup d’État a-t-il eu lieu récemment dans votre pays (soit violent et illégal, soit apparemment légal en utilisant la constitution) ?

Responsabilité institutionnelle de l'État

  • Par exemple, les victimes peuvent-elle s’adresser aux autorités publiques telles que la police ou le pouvoir judiciaire ?

Suivi

    • L’État a-t-il mis en place des mécanismes pour contrôler le RtFN et les autres droits connexes ? Sont-ils efficaces ?
    • Les gens sont-ils en mesure de participer à ces mécanismes et de contribuer aux efforts de suivi et aux méthodologies de suivi de l’État ? (par exemple, dans le développement et la définition des indicateurs de suivi).
    • Les efforts de suivi de l’État se concentrent-ils sur l’analyse de données quantitatives de masse ? Accorde-t-on de l’importance aux informations qualitatives ?
    • Quels autres acteurs participent aux efforts de suivi ? L’État accorde-t-il de l’importance à l’inclusion de groupes de population marginalisés dans ces efforts ? (Comme les femmes, les paysan∙ne∙s, les communautés piscicoles, les peuples autochtones, les jeunes ou d’autres groupes spécifiques).
    • Dans quelle mesure votre État se montre-t-il participatif et inclusif en ce qui concerne les processus de suivi internationaux ? (par exemple, l’Examen périodique universel [EPU], la préparation du rapport de suivi de l’État pour le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [CDESC] ou d’autres organes de traités des Nations Unies).

Les mécanismes populaires

    • Existe-t-il des mécanismes « non-institutionnels » tels que les tribunaux populaires ou d’autres mécanismes de responsabilité communautaires ?
    • La constitution reconnaît-elle la juridiction autochtone ? Si oui, fonctionne-t-elle réellement ?
    • Les communautés utilisent-elles le droit coutumier pour se défendre et se protéger ? Comment ?
    • Les communautés utilisent-elles les espaces de dialogue intercommunautaire pour résoudre les conflits intercommunautaires, comme les conflits agraires, territoriaux ou frontaliers ?
    • Comment le droit coutumier, les traditions et les coutumes ont-ils influencé l’application des décisions judiciaires qui affectent votre communauté ?
    • Dans les cas où les autorités municipales n’ont pas de pouvoir coercitif dans leur juridiction, les communautés sont-elles impliquées dans la mise en œuvre des arrêtés municipaux ?
    • Les politiques publiques reconnaissent-elles et protègent-elles les formes traditionnelles de gouvernance ?

Activisme numérique et en ligne

    • L’État permet-il l’activisme numérique et en ligne ?
    • Quel type d’outils numériques l’État met-il à la disposition de l’activisme ?
    • Avez-vous rencontré des obstacles à l’accès à l’Internet ou à l’utilisation de l’espace numérique ?

Participation

  • Par exemple : Existe-t-il des quotas de participation spécifiques ? Lorsque les communautés parlent des langues différentes, la participation se déroule-t-elle dans ces langues afin de garantir leur participation effective ?

    • Le public a-t-il accès aux informations relatives à ces processus ?
    • Qui finance les processus législatifs et politiques ?
  • Par exemple, les entreprises participent-elles aux espaces où les politiques en matière de nutrition sont discutées et élaborées ? Si non, utilisent-elles d’autres formes et stratégies pour influencer ces espaces, comme la technique des portes tournantes, le lobby, la corruption, etc.?

    • Observez-vous :
      • une participation directe des représentants des entreprises aux processus de négociation ;
      • un travail de plaidoyer direct ou indirect dans les processus législatifs ou judiciaires ;
      • le financement philanthropique des budgets institutionnels ;
      • le processus dit des « portes tournantes » par lequel des employé∙e∙s d’entreprises deviennent des décideur∙euse∙s dans des institutions publiques ?

Défenseur∙e∙s des droits humain

    • Existe-t-il une législation/réglementation visant à protéger les défenseur∙e∙s des droits humains ?
    • Existe-t-il une législation/réglementation visant à supprimer l’exercice légitime de la liberté de réunion et d’association pacifiques ?
    • Existe-t-il une criminalisation et un usage inconsidéré et excessif de la force pour contrer ou réprimer les protestations pacifiques ?
  • Par exemple, des lois sur la diffamation, la sédition et le terrorisme.

  • Par exemple, le refus de reconnaître les groupes qui ne sont pas en faveur du gouvernement, qui peut à son tour prétendre que ces groupes font de la propagande antigouvernementale.

    • Votre gouvernement tient-il une liste officielle des ONG et agences internationales qui financent des ONG et des mouvements dans le pays ?
    • Les États négligent-ils d’enquêter correctement sur les attaques contre les défenseur∙e∙s des droits humains et de les poursuivre en justice, créant ainsi une culture de l’impunité relative aux violations de droits humains ?
    • Existe-t-il des contraintes à la jouissance des droits, ou l’état d’urgence est-il déclaré pendant les périodes électorales, la pandémie de COVID-19, ou les catastrophes naturelles ?

Gouvernance territoriale

    • Les communautés participent-elles à la gestion de leur territoire ? Si oui, quels sont les espaces ou mécanismes disponibles pour une telle participation ?
    • Votre État reconnaît-il et réglemente-t-il le consentement libre, préalable et éclairé (CLIP) des communautés ?
    • Les processus de consultation tiennent-ils réellement compte de la position des communautés avant l’octroi d’une licence pour un projet ? Les communautés peuvent-elles s’opposer à un projet spécifique ?
    • Les communautés développent-elles et mettent-elles en œuvre leur propre protocole de CLIP ? Les autorités de l’État suivent-elles et respectent-elles ces protocoles communautaires ?
    • Votre État promeut et protège-t-il les systèmes de semences traditionnels ou gérés par les communautés ?

Où trouver des réponses

Mécanismes existants pour la participation de la société civile et en particulier des personnes touchées par la faim et la malnutrition (y compris les petit∙e∙s producteur∙rice∙s alimentaires) : qui participe et dans quelles conditions ? Dans le cas de mécanismes incluant le secteur privé, des garanties contre les conflits d’intérêts sont-elles mises en place ?

Ressources utiles sur le sujet

Démocratie et reddition de comptes

Plan d'actions national 2019/2022 du Burkina Faso de mise en œuvre des recommandations de l'EPU et des organes de traités de l'ONU

Le Ministère de la Justice, des Droits Humains et de la Promotion Civique du Burkina Faso a approuvé le « Plan d’actions national 2019/2022 de mise en œuvre des recommandations et engagements issus de l’Examen Périodique Universel (EPU) et des organes de traités de l’ONU – ci-après le « Plan d’actions national »). Ce plan représente un espace permettant aux organisations de la société civile de s’engager auprès des institutions gouvernementales pour la mise en œuvre des recommandations de l’EPU/des organes de traités des Nations Unies et la mise en œuvre des ODD. Le Plan d’actions national comprend des mesures visant à faire progresser le RtFN, en adoptant par exemple une loi-cadre sur le RtFN et en incluant ce droit dans la Constitution. Il prévoit aussi des mesures pour protéger les communautés contre les expulsions forcées. Cet exemple démontre l’importance de la participation de la société civile et la nécessité pour les États de faciliter ces espaces participatifs pour le suivi des recommandations des organismes internationaux de surveillance des droits humains.

Démantèlement de la démocratie : discours de haine au Brésil et violence policière raciste aux États-Unis

L’actuel président d’extrême droite du Brésil Jair Bolsonaro a encouragé les discours de haine et a insulté et dénigré à plusieurs reprises la majorité des citoyens brésiliens : les femmes, la communauté LGBT, les Brésiliens noirs et les Brésiliens autochtones.

Le 25 mai 2020, George Floyd, un homme noir de 46 ans, a été tué après avoir été plaqué au sol par un policier de Minneapolis qui a maintenu son genou sur le cou de Floyd pendant près de neuf minutes. Sur la vidéo capturée de l’incident, Floyd plaide : « Je ne peux pas respirer. »

Le 13 mars 2020, trois agents munis d’un mandat sans frapper sont entrés dans l’appartement de Breonna Taylor à la recherche de deux personnes soupçonnées de vendre de la drogue, dont aucune n’était Mme Taylor. Les officiers ont tiré plus de 20 balles dans l’appartement, la touchant au moins huit fois. Mme Taylor, une Afro-Américaine de 26 ans, était technicienne médicale d’urgence.

Mali : La loi foncière de 2017 reconnaît les droits coutumiers et la commission foncière villageoise

En 2017, le parlement malien a adopté la loi N°2017- 001/ du 11 avril 2017 sur le foncier. Cette loi reconnaît les droits coutumiers sur les terres à l’article 12 : « Les droits fonciers agricoles des communautés rurales qui découlent d’une possession sont transmissibles et cessibles dans des conditions définies par les us et coutumes« . En outre, un aspect essentiel est que les communautés rurales participent à la sécurisation de leurs terres par le biais des commissions foncières villageoises lorsqu’il s’agit d’acquérir des terres de droit coutumier. A cet égard, l’article 35 stipule : « L’attestation de détention coutumière est visée par le chef de village sur avis favorable de la commission foncière villageoise et de fraction du ressort territorial concerné« . Actuellement, les commissions foncières villageoises sont mises en place de manière démocratique et avec l’inclusion des femmes et des jeunes, chose particulièrement importante dans une société patriarcale. Ces commissions foncières démocratiques sont également vitales dans un contexte où les institutions gouvernementales sont faibles, corrompues et contribuent à l’accaparement des terres et aux expulsions forcées, qui provoquent à leur tour la faim, la malnutrition, les conflits fonciers et les migrations forcées.