Droits des travailleur∙euse∙s

Droits des travailleur∙euse∙s

Introduction

Les travailleur∙euse∙s des systèmes alimentaires sont souvent parmi les plus marginalisé∙e∙s et les plus exposé∙e∙s à l’insécurité alimentaire. Le RtFN de chacun ne peut être réalisée si d’autres personnes doivent être marginalisées et soumises à des violations des droits humains. C’est pourquoi la garantie des droits humains des travailleur∙euse∙s dans les systèmes alimentaires fait partie intégrante de la réalisation du RtFN et de la construction d’une société fondée sur le respect des droits humains.

Qui sont les travailleur∙euse∙s des systèmes alimentaires ?

Les travailleur∙euse∙s des systèmes alimentaires sont engagé∙e∙s dans la production et la transformation des aliments, ainsi que dans les services alimentaires. Il∙elle∙s comprennent, entre autres, les travailleur∙euse∙s de l’agriculture et des plantations, de la pêche, de la transformation des aliments et de la restauration. Il∙elle∙s peuvent être indépendant∙e∙s ou salarié∙e∙s, et sont souvent des femmes, des migrant∙e∙s, des jeunes, des LGBTQI+ et des travailleur∙euse∙s en situation irrégulière (sans papiers), qui sont confronté∙e∙s à des défis multiples et intersectionnels au travail qui affectent la réalisation de leur RtFN et des droits humains qui y sont liés.

Données de base sur les travailleur∙euse∙s du système alimentaire

  • Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), 40 % de 1,1. milliard de personnes travaillent dans l’agriculture en tant que travailleur∙euse∙s agricoles salarié∙e∙s.
  • Dans les fermes, les plantations et les autres secteurs de l’agriculture, les travailleur∙euse∙s sont issu∙e∙s des groupes sociaux les plus opprimés et sont victimes de discriminations fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle, la race, la religion ou la caste. Ils sont victimes de discriminations fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle, la race, la religion ou la caste. Les travailleuses agricoles sont les plus touchées, car victimes de harcèlement sexuel et d’autres formes de violence sexiste.
  • Selon l’OIT, 70 % des enfants qui travaillent le font dans l’agriculture (108 millions de filles et de garçons), principalement dans l’agriculture de subsistance et commerciale et dans l’élevage de bétail.[39]
  • Environ 660 à 880 millions de personnes, soit 10 à 12 % de la population mondiale, dépendent directement ou indirectement de la pêche. Parmi celles-ci, environ 120 millions de personnes dépendent directement des activités liées à la pêche pour leur subsistance, 60 millions sont directement employées, soit à temps plein, soit à temps partiel, soit de manière informelle dans la pêche ou l’aquaculture.

Obligations des États

Quelles sont les obligations des États en vertu du RtFN pour les travailleur∙euse∙s ? Tout d’abord, les États doivent s’assurer que tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s des systèmes alimentaires – les travailleur∙euse∙s agricoles, y compris migrant∙e∙s et saisonnier∙ère∙s,[40] et les autres travailleur∙euse∙s – ne sont pas exclu∙e∙s des protections juridiques, comme c’est souvent le cas dans de nombreux pays. L’exclusion des cadres juridiques laissent ces travailleur∙euse∙s « de sorte qu’il[∙elle∙]s ne peuvent exercer leur droit fondamental d’association et de réunion et n’ont pas de voies de recours quand leurs droits sont bafoués ».[41] Tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s devraient bénéficier de protections législatives, y compris de protections pour s’organiser collectivement et former des syndicats.[42]

Cela inclut les travailleur∙euse∙s des secteurs formel et informel.[43]

Deuxièmement, les États doivent éradiquer et prévenir le travail forcé [44] et le travail des enfants.[45]

Troisièmement, les États doivent fixer des salaires minimums correspondant au niveau de vie, [46] afin de lutter contre la tendance à la baisse de l’emploi précaire et de garantir le droit des femmes à un salaire égal pour une valeur égale.[47]

Quatrièmement, les États doivent garantir des conditions de travail décentes et sûres dans tous les secteurs en légiférant dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, notamment en réglementant l’utilisation des pesticides.[48]

Cinquièmement, les États doivent s’attaquer aux lois, politiques et pratiques qui limitent l’accès des femmes aux lieux de travail.[49] Ils « devraient examiner les facteurs pertinents, notamment les lois, les règlements et les politiques, qui limitent l’accès des femmes rurales à un emploi décent, etéliminer les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes sur le marché du travail en milieu rural, comme la discrimination à l’embauche à l’égard des femmes dans certains types d’emplois. »[50] Ils devraient également se pencher sur les autres conditions de travail des femmes, telles que le congé de maternité payé, la prévention du harcèlement et de l’exploitation sexuels sur le lieu de travail, l’accès aux services de garde d’enfants, etc.[51]

Enfin, les États devraient veiller à ce que des mécanismes soient mis en place pour inspecter les conditions de travail, y compris pour les travailleur∙euse∙s migrant∙e∙s, et à ce que les lois sur le travail et l’emploi soient appliquées.[52]

Liste de mots-clés

  • Droit à la liberté d’association
  • Droit à la négociation collective
  • Santé et sécurité sur le lieu de travail
  • Égalité des droits indépendamment de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle
  • Salaire de subsistance
  • Égalité de rémunération pour un travail égal
  • Accès à la protection sociale
  • Inspection du travail
  • Travail des enfants
  • Esclavage et traite des êtres humains, travail forcé
  • Exposition à des substances dangereuses
  • Harcèlement sexuel et violence fondée sur le genre dans le monde du travail
  • Discrimination
  • Exploitation économique et exclusion sociale
  • Protection de la maternité
  • Droits sexuels et reproductifs
  • Travail de soin / Prestation de soins[53]

Instruments principaux

« Les conventions « fondamentales » de l’OIT couvrent tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s, quel∙le∙s qu’il∙elle∙s soient et où qu’il∙elle∙s soient. Elles s’appliquent également aux travailleur∙euse∙s migrant∙e∙s, quel que soit leur statut. Les travailleur∙euse∙s migrant∙e∙s, qu’il∙elle∙s le soient de manière régulière ou temporaire, « sans distinction aucune », ont le droit d’adhérer à un syndicat et de le créer. Il∙elle∙s ont le droit d’occuper un poste dans un syndicat. Il∙elle∙s ont le droit d’être protégé∙e∙s contre toute forme de discrimination. »[54]

 

Questions directrices

Gouvernance

    • Votre État garantit-il la liberté de tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s, quels que soient leur lieu et leur mode de travail, de former et d’adhérer aux organisations de leur choix sans crainte de représailles ou d’intimidation, ainsi que le droit à la négociation collective ? (par exemple, Constitution, droit du travail, droit syndical)
    • Les procédures d’enregistrement sont-elles faciles et les travailleur∙euse∙s sont-il∙elle∙s en mesure de s’organiser ?
    • Votre État prend-il des mesures pour formaliser et régulariser les travailleur∙euse∙s de l’économie informelle, par exemple par la reconnaissance légale, la protection sociale et d’autres avantages, parmi une série d’autres questions ? Le processus de formalisation prend-il en compte les demandes des différents groupes de travailleur∙euse∙s ? Les travailleur∙euse∙s sont-il∙elle∙s consulté∙e∙s, en mesure de partager leurs connaissances et de travailler sur des solutions pour garantir les meilleures politiques ?
    • Le droit du travail interdit-il le travail des enfants et tient-il les contrevenants responsables de leurs crimes ?
    • Tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s (des économies formelles et informelles) peuvent-il∙elle∙s participer à l’élaboration de politiques et à la prise de décisions essentielles pour les systèmes alimentaires (travail, agriculture, environnement, santé, etc.) ?
    • Les travailleur∙euse∙s sont-il∙elle∙s bien représenté∙e∙s dans les conseils alimentaires locaux/nationaux ?
    • Existe-t-il des réglementations claires et des cadres de reddition de comptes pour tenir les employeurs, y compris les entreprises transnationales, responsables des actions qui portent atteinte aux droits humains des travailleur∙euse∙s dans les systèmes alimentaires et la nutrition, y compris de manière extraterritoriale ?

Protection et régénération de la nature

    • Existe-t-il des lois qui donnent la priorité aux travailleur∙euse∙s dans l’attribution des terres publiques, des zones de pêche et des forêts dans le cadre de la réforme agraire ?
    • Votre État aide-t-il les travailleur∙euse∙s ruraux∙ales et urbain∙e∙s à produire et à créer des initiatives communautaires pour produire des aliments ?

Conditions de travail sûres et saines et protection sociale

    • Les travailleur∙euse∙s ont-il∙elle∙s accès aux services de santé et aux autres régimes de protection sociale ?
    • Des mesures sont-elles prises pour lutter contre le harcèlement sexuel, les abus, la violence et la discrimination envers les travailleur∙euse∙s de la part de leurs superviseur∙euse∙s ou d’autres travailleur∙euse∙s ?
    • De l’eau propre et sûre est-elle disponible à tout moment sur les lieux de travail ?
    • Votre État garantit-il des conditions de travail adéquates pour les travailleur∙euse∙s, y compris la protection contre le contact avec des substances nocives dans les secteurs alimentaire et agricole?
    • L’État protège-t-il les travailleur∙euse∙s contre l’exposition aux dangers, aux pesticides, aux herbicides, aux antibiotiques ou à tout autre produit toxique lié à la production alimentaire, afin de garantir la santé reproductive des travailleuses et la santé et le bien-être de leurs enfants ?
    • Existe-t-il un congé de maternité et de paternité payé ? Les employeurs mettent-ils à disposition des salles d’allaitement sur le lieu de travail pour permettre l’allaitement/le pompage pendant les heures de travail ?
    • Les travailleur∙euse∙s ont-il∙elle∙s accès sur leur lieu de travail à des options alimentaires saines (par exemple, des cafétérias avec accès au stockage et au chauffage des aliments faits maison, et avec une infrastructure adéquate pour manger) ? Permettent-elles de disposer d’un temps libre suffisant pour se reposer et prendre des repas ?
    • Des conditions de travail et de vie sûres et saines sont-elles protégées par les lois nationales ? Sont-elles garanties à tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s, à tous les stades de la production, de la transformation et de la distribution ? Sont-elles conformes aux conventions de l’OIT et aux accords de négociation collective (AC) ? L’État veille-t-il à ce que des salaires décents soient versés ?
  • Par exemple, en forçant les travailleur∙euse∙s à travailler plus longtemps, en ne leur versant pas le revenu minimum, en leur demandant des honoraires exorbitants pour un travail, en réduisant les salaires, en surfacturant le transport, le logement et la nourriture, en modifiant unilatéralement les conditions d’emploi ?

    • Les travailleur∙euse∙s sont-il∙elle∙s exposé∙e∙s à des produits chimiques toxiques en appliquant des pesticides ou des herbicides (souvent sans protection adéquate), en manipulant des produits qui ont été récemment pulvérisés ou, dans certains cas, en se trouvant directement sur la trajectoire d’une application de pesticide ?
    • Votre État protège-t-il les travailleur∙euse∙s contre le licenciement illégal ou la suppression par les employeurs parce qu’il∙elle∙s s’organisent ou portent plainte ?
    • L’État, en tant que partie intégrante de la transition vers l’agroécologie, a-t-il accordé une attention particulière à ce que tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s employé∙e∙s dans les secteurs non durables de la production, de la transformation, du commerce et de la vente au détail de produits alimentaires trouvent de nouvelles opportunités adéquates pour gagner dignement leur vie ?

Salaires décent

    • Existe-t-il un salaire minimum légal dans le pays ? Est-il le même pour les travailleur∙euse∙s hommes et femmes ?
    • Les travailleur∙euse∙s sont-il∙elle∙s en mesure d’acheter de la nourriture (en qualité, quantité et diversité suffisantes pour permettre un régime alimentaire diversifié et sain) et de couvrir les besoins de base pour eux∙elles-mêmes et leur famille grâce à leur salaire/revenu ?
    • Y a-t-il un retard dans le paiement des salaires ? Si oui, quel est l’impact sur la capacité des travailleur∙euse∙s à se nourrir ?
    • Les travailleur∙euse∙s bénéficient-il∙elle∙s de congés maladie ? Les travailleur∙euse∙s sont-il∙elle∙s payé∙e∙s pour les heures supplémentaires ou pour le travail le week-end/les jours fériés ?)
    • Les travailleur∙euse∙s ont-il∙elle∙s subi une baisse réelle de leur salaire/revenu en raison de décisions publiques, d’un manque de supervision publique de tous les employeurs (un∙e employeur∙euse peut être un∙e petit∙e propriétaire privé∙e ou un∙e grand∙e propriétaire de plantation, ou une ferme d’État/une ferme coopérative), ou pour toute autre raison ?
    • Des travailleur∙euse∙s ont-il∙elle∙s perdu leur emploi en raison des mesures mentionnées ci-dessus ? Ou ces personnes ont-elles été poussées à adopter de nouvelles formes de travail (par exemple, en tant que travailleur∙euse∙s saisonnier∙ère∙s ou sans papiers) pour subvenir à leurs besoins ?
    • L’inspection du travail est-elle tenue d’inspecter tous les lieux de travail dans les systèmes alimentaires et cela se fait-il sans notification préalable et d’une manière ouverte qui ne crée pas de crainte parmi les travailleur∙euse∙s ? (par exemple, la peur d’être dénoncé∙e ou de perdre son emploi parce que l’on est sans papiers).

Culture, relations sociales et connaissances

    • Votre État dispose-t-il d’une politique de soins qui reconnaît, réduit et redistribue le travail de soins non rémunéré sous forme d’argent (y compris les transferts et les prestations de protection sociale liés aux soins), de services (par exemple, la fourniture de services de garde d’enfants et de soins aux personnes âgées) et de temps ? La réglementation du travail prévoit-elle des politiques de congés parentaux et d’autres modalités de travail favorables à la famille ?
    • Les travailleur∙euse∙s disposent-il∙elle∙s de suffisamment de temps pour cuisiner correctement (et ne pas être incité∙e∙s à se rabattre sur des produits comestibles ultra-transformés par manque de temps) ?
    • Votre État fournit-il une aide humanitaire alimentaire et de subsistance aux travailleur∙euse∙s dans les situations d’urgence et de crise ?

Discrimination et intersectionnalité

    • Existe-t-il une discrimination en droit ou en pratique en termes d’emploi, de salaire ou de conditions de travail fondée sur le sexe, la grossesse, l’accouchement, l’identité de genre/l’orientation sexuelle (LGBTQI+), le groupe ethnique/social, etc.? Votre État prend-il des mesures à cet égard ? (voir module sur les droits des femmes).
    • La législation du travail existante permet-elle de prévenir la discrimination ou la limitation de l’accès aux lieux de travail pour les femmes enceintes ou les travailleurs ayant dépassé un certain âge ?
    • Les travailleur∙euse∙s migrant∙e∙s et les travailleur∙euse∙s sans papiers, ou tout autre travailleur∙euse, sont-il∙elle∙s victimes de discrimination en termes de salaire, d’avantages et d’heures de travail par rapport aux autres travailleur∙euse∙s locaux∙les et régulier∙ère∙s ?
    • Votre État veille-t-il à ce que les conditions de travail respectent la diversité culturelle et répondent aux besoins de tou∙te∙s les travailleur∙euse∙s, par le biais de la négociation collective

Où trouver des réponses

Droits des travailleur∙euse∙s

Des travailleuses indiennes des plantations de thé réclament le droit à l’eau et à l’assainissement

Les travailleur∙euse∙s du thé des plantations de l’Assam et du Bengale occidental (Inde) ne reçoivent pas un salaire vital adéquat, tandis que leurs conditions de travail sont éprouvantes et physiquement pénibles. Sans équipement de protection, les travailleur∙euse∙s qui pulvérisent les théiers sont régulièrement exposé∙e∙s aux pesticides. Les femmes cueilleuses de thé – environ la moitié de la main-d’œuvre – souffrent de violations de leurs droits humains, notamment de leur RtFN, et de leurs droits au logement, au travail, à l’eau et à l’assainissement, etc. En règle générale, les travailleuses des plantations sont victimes de violations de leurs droits et avantages en matière de protection de la maternité, et sont confrontées à une discrimination généralisée au travail. Les salaires qu’elles perçoivent sont inférieurs à ceux des hommes et elles n’ont que peu, voire pas, de possibilités de développer leurs compétences. Ces violations sur le lieu de travail sont aggravées par les violations généralisées des droits humains auxquelles elles sont confrontées dans leurs conditions de vie. Cependant, les travailleuses résistent et prennent leurs propres initiatives pour évaluer la qualité de l’eau disponible dans les plantations ainsi que les installations sanitaires, avec le soutien de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie, de la restauration, du tabac et des branches connexes (UITA). Les résultats sont ensuite régulièrement présentés aux entreprises pour leur demander d’installer des conduites d’eau et des latrines dans les zones identifiées. De même, en réponse à l’action en justice intentée par l’UITA en collaboration avec certains syndicats, la Cour suprême de l’Inde a ordonné en avril 2018 aux gouvernements des États d’Assam et du Bengale occidental de procéder à un paiement provisoire des arriérés de salaires et de prestations dus de longue date aux travailleurs et travailleuses du thé. Le combat des travailleuses pour le RtFN se poursuit alors qu’elles demandent à ce que les travailleurs et travailleuses du thé soient inclus∙e∙s dans la loi sur le salaire minimum, dont il∙elle∙s sont actuellement exclu∙e∙s. Le Réseau mondial pour le droit à l’alimentation et à la nutrition a soutenu les travailleur∙euse∙s du thé à travers une mission d’enquête dans les plantations de thé en 2015.